est-il toujours illusoir de prendre ses rêves pour des réalités?
Sujets / La morale / Le bonheur /
Un début de problématisation ...
Comment discuter d’un problème ?
À savoir :
Une idée est philosophique lorsqu’elle est argumentée, et que toute
pensée peut la comprendre et la faire sienne.
Ce qu’il ne faut surtout pas faire :
1. Il ne faut surtout pas faire comme si le texte n’existait pas, c'est-à -dire comme si son étude avait été inutile.
2. Il ne faut pas faire comme si la discussion n’avait aucun lien avec le texte étudié.
2. Il ne faut pas répéter ce qui a déjà été exposé.
3. Il ne faut pas donner son
opinion personnelle à propos des thèses et des idées philosophiques du texte, c'est-à -dire manifester son accord ou désaccord en recourant à des formules telles que : « A mon avis… »
« Il n’existe pas d’opinions philosophiques » (Hegel).
4. Il ne faut pas nécessairement réfuter le texte en tout point, ni au contraire le trouver absolument irréprochable.
Ce qu’il faut faire :
1. Il faut expliciter la ou les questions qui sont suggérées par la thèse centrale du texte.
2. Il faut s’efforcer de répondre à ces questions de manière ordonnée et informée.
3. Il faut construire attentivement sa réflexion par rapport aux problèmes posés par le texte.
4. Il est souhaitable de montrer comment les positions du texte s’inscrivent dans la
philosophie de son temps, et de tout temps.
5. Il faut mettre en évidence les présupposés sans lesquels la thèse de l’auteur n’aurait pu être soutenue.
6. Il faut faire apparaître les conséquences que la thèse soutenue par l’auteur implique sur le plan théorique et sur le plan pratique.
7. Il faut organiser une réflexion critique sur les thèses centrales du texte ;
ce qui ne signifie pas nécessairement négative sur les thèses.
8. Il est souvent possible de reposer le problème sous-tendu par le texte dans d’autres contextes : théologique, politique, moral psychologique, etc.
9. Il faut en quelque sorte dialoguer avec le texte pour voir comment l’auteur traite une question.
TEXTE DE DESCARTES de référence
« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes
désirs que l'ordre du monde, et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées, en sorte qu'après que nous avons
fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible. Et ceci seul me semblait être suffisant pour m'empêcher de rien désirer à l'avenir que je n'acquisse, et ainsi pour me rendre content. Car notre
volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possibles, il est certain que si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de notre pouvoir, nous n'aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute, que nous avons de ne posséder pas les royaumes de la Chine ou de Mexique; et que faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d'être sains étant malades, ou d'être libres étant en prison, que nous faisons maintenant d'avoir des
corps d'une
matière aussi peu corruptible que les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux. »
R. Descartes, Discours de la méthode, 3ème partie.
INTRODUCTION
En cas de conflit entre nos
désirs et l’ordre du monde, faut-il préférer satisfaire le
désir et changer l’ordre du monde ou bien préférer renoncer au
désir et respecter l’ordre du monde ?
Tel est le dilemme de la
conscience morale que Descartes expose dans ce texte en proposant comme maxime de « changer ses
désirs » et de « faire de nécessité vertu ».
Or, la finalité de cette maxime morale, étant le bonheur, comment puis-je « me rendre content »’en renonçant à mes
désirs ?
Pour concilier vertu et bonheur, Descartes exposera d’abord le sens de cette maxime à travers son exercice et, de cette pratique, il en conclura à son efficacité et à son infaillibilité pour accéder au plus grand et au plus sûr contentement.
I : LE SENS DE LA MAXIME CARTESIENNE
A/ « changer ses
désirs ».
Descartes nous propose une maxime (du latin maxima sententia sentence la plus grande, la plus générale), c'est-à -dire une règle de conduite générale à laquelle tous les
désirs particuliers seront soumis comme à une exigence. Générale, elle est aussi contraignante car elle exige de « se vaincre » et de « changer ses
désirs » plutôt que « la fortune » et l’ordre du monde ».
Le concept de fortune désigne le hasard, le sort, c'est-à -dire tout ce qui ne dépend pas de moi. En cas de conflit entre le moi et la fortune, Descartes recommande de renoncer au moi en changeant ses désirs.
Le concept de
désir se présente ici dans une perspective dynamique, comme ce qui peut être modifié, alors que le
réel est conçu dans sa dimension statique, comme ordonné.
Le concept d’ordre renvoie, en effet, à l’idée d’une disposition immanente des choses du monde, qui indépendante de moi, ne peut être vécue que sur le mode de la « fortune ».
Le conflit entre le
désir et le monde serait une folie à laquelle s’opposerait la sagesse de cette maxime. Mais comment l’homme peut-il renoncer à ses
désirs et disposer d’eux ?
B/ Nos
pensées sont en notre pouvoir
« M’accoutumer à croire qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre
pouvoir que nos
pensées » est l’unique condition nécessaire de cette maxime, car pour changer mes désirs, il faut nécessairement que je possède un
pouvoir sur moi-même.
Ainsi, seules (« rien (…) que ») nos
pensées sont en notre pouvoir, par opposition aux événements extérieurs qui, eux relèvent de l’ordre du monde qui ne dépend pas de nous.
Descartes s’inspire de la distinction stoïcienne entre les choses qui dépendent de nous (jugements tendances, désirs, aversions) et les choses qui ne dépendant pas de nous (le corps, la richesse, la célébrité, les événements). Voit à ce
sujet le Manuel d’Epictète, II, 2
Or, « nos
pensées » ne désignent pas seulement les actes intellectuels de l’entendement mais toutes les « opérations de l’âme ». S’il n’est pas en mon
pouvoir d’éprouver un
sentiment de
désir qui d’abord s’impose à moi, en revanche, je peux me déterminer à refuser ou à accepter ce désir.
En conséquence, seules nos
pensées sont « entièrement » en notre pouvoir. Cet adverbe laisse sous-entendre que si nos
pensées sont absolument en notre pouvoir, les événements peuvent être relativement en notre pouvoir. En effet, Descartes ne recommande pas à l’homme d’abdiquer devant les événements.
Au contraire, nous devons faire « notre mieux », comme si, au début tout dépendait de nous, ce qui n'exclut pas après la possibilité de l'échec. Nous pouvons certes échouer, mais cet échec ne pourra pas nous être imputé si nous avons
fait tout ce qui dépendait de nous.
Enfin, si cette condition est nécessaire il faut néanmoins s'y « accoutumer ». La tendance naturelle consiste plutôt à penser que nous avons un
pouvoir absolu sur les choses du monde comme si elles étaient là pour nous. Descartes invite donc à se défaire de cette
illusion de la finalité pour s'habituer à penser en accord avec la réalité.
TRANSITION
Quelle est la finalité de cette maxime
morale ?
II : LE CONTENTEMENT / FINALITE DE LA MAXIME MORALE
A/ Du mécontentement
Cette maxime doit mots mener au bonheur, tandis que le préjugé de la finalité ne peut qu'engendrer déception. Quand l'homme s'imagine
pouvoir « prendre ses
désirs pour des réalités », il
fait l'expérience malheureuse de l'échec, étendant abusivement son
pouvoir à des choses qui n'en dépendent pas.
Au contraire, en déterminant les limites de son
pouvoir aux seules
pensées et aux choses extérieures qui dépendent de ses pensées, l'échec devient « relativement » à l'homme « absolument impossible ».
De ce que l'échec est absolument impossible comme
expérience malheureuse, je peux alors en inférer logiquement à un contentement absolument possible.
A/ …au contentement
En m'exerçant à penser que le
bonheur résulte de la renonciation aux
désirs qui ne sont pas en mon pouvoir, je peux accéder au suprême « contentement ». Il suffit donc, pour me rendre, content de ne pas être mécontent ou de « rien désirer à l'avenir que je n'acquisse ». Descartes ne définit pas le contentement par une renonciation aux
désirs en
général, mais seulement à ceux qui se portent vers des objets dont l'acquisition est incertaine.
Le contentement (en contentus de continere contenir) désigne, en un sens fort. un état de parfaite satisfaction. C'est être comblé, satisfait de ce que l'on a de telle sorte que l'on Ma plus rien à désirer parce que l'on ne manque de rien. Le
bonheur (du latin. bonus, bon et agurium, heur = bon augure, bon présage ou bonne fortune) dépend des circonstances, tandis qu'il ne dépend que de moi de « me rendre content ».
TRANSITION
Nécessaire et suffisante pour accéder au contentement, cette maxime doit encore être examinée du point de vue de son efficacité.
Comment expliquer ce
pouvoir que nous avons sur nos
désirs et qui justifie la sagesse de cette maxime ?
III : L’EFFICACITE DE CETTE MAXIME
A/ Justification de la maxime morale.
S'il est nécessaire et s'il suffit de « changer ses
désirs » pour être content, il reste encore à expliquer et à justifier ce
pouvoir par lequel l'homme dispose à son gré de ses désirs.
• Notons la progression du texte : « Car » introduit le moment de l’explication et « il est certain que » introduit la conséquence qui justifie l’efficacité
morale de la maxime.
Comprendre le texte, c’est saisir l’organisation qui préside à sa construction et l’expliquer, c’est rendre explicite cette structure qui, en disposant les concepts suivants une certaine orientation leur donne en même
temps une signification précise.
Descartes fonde le
pouvoir de l'homme sur ses désirs, sur la relation entre les deux facultés humaines, l'entendement et la volonté, qui vont collaborer à cette entreprise
morale en assurant chacune une fonction correspondant à leur nature.
Conformément à sa dimension dynamique, la
volonté est une action de l'âme qui est réfléchie, car vouloir, c'est élaborer une stratégie en coordonnant des moyens en vue d'une fin.
Relevant de la pensée, la
volonté va
pouvoir orienter le
désir vers des objets « possibles », des objets pensables comme pouvant être, sans contradiction, réalisés.
Conformément à sa dimension théorique, l'entendement est la faculté de la
connaissance qui représente les idées des choses et c'est à lui que revient la tâche de présenter à la
volonté ce qui est possible. L'homme donc onc agir à son gré sur ses
désirs par la collaboration de sa
volonté et de son entendement.
En effet, ne voulant que ce que nous jugeons possible d'avoir, la stratégie qui permettra de nous rendre contents sera de considérer comme impossibles les choses dont tutus sommes privés. Ainsi, cessant de les désirer, parce qu'elles sont présentées comme impossibles; nous n'en serons pas privés, puisque nous ne sommes privés que de ce que nous désirons.
Ce remède à l'insatisfaction. pour être infaillible, est-il cependant aisément en notre
pouvoir ?
B/ La certitude d’une
morale technicienne
« II est certain que si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de notre
pouvoir ». Comme les royaumes de Chine ou du Mexique sont hors de nous et, pour cette raison, inaccessibles et éloignés de notre pouvoir, nous n’éprouvons aucune insatisfaction à ne pas les posséder.
L'exemple de ces deux pays illustre l'idée d'éloignement spatial contenu dans l'expression « les biens hors de nous », et le tenue (le royaume renvoie à l'idée (le
pouvoir coutume (laits l'expression « éloignés (le notre
pouvoir ». Cet exemple va être utilisé par Descartes à titre (le paradigme, c'est-à -dire de modèle. De même que nous ne sommes pas mécontents de ne pas posséder ces biens, (le même nous ne serons pas mécontents de manquer des biens qui « semblent être dus à notre naissance » : « la santé et la
liberté ».
Cette géométrie
morale pose néanmoins un problème concernant l'égalité.
En effet, les royaumes de Chine et du Mexique ne sont pas des biens liés à notre nature et à notre être.
Ne pas les avoir ne change rien à notre être qui n'en n'éprouvera aucun regret.
En revanche, la
liberté et la santé sont des biens qui concernent notre être et
ne pas les avoir entraîne une modification de notre être qui éprouve un
sentiment de manque.
L'égalité entre ces deux sortes de biens ne peut être conçue par notre entendement, car, en
fait et en droit. la santé et la
liberté ne sont pas des
désirs impossibles et illégitimes.
Ne pouvant donc les condamner comme des
-
désirs irrationnels (point de vue logique) et
-
désirs déraisonnables (point de vue moral).
Descartes ne peut qu'attribuer à la
volonté le
pouvoir de les considérer comme des
désirs impossibles au même titre que le
désir de posséder des royaumes éloignés.
La
volonté peut toujours vouloir penser ce que l'entendement ne peut pas penser.
C/ « Faire de nécessité vertu »
Après avoir exposé l'infaillibilité de cette règle morale, Descartes s'engage maintenant sur le plan de l'action et de la conduite, et retrouve une expression populaire : « Faire de nécessité vertu ».
Selon le sens commun, cette maxime fonde une sagesse de la prudence et de la vertu (en latin : vis, force), laquelle désigne la force monde par laquelle l'homme peut renoncer à ses
désirs pour adhérer au monde.
Or, cette maxime prend un tout autre sens dans ce texte, à la lumière des exemples donnés.
En effet. Descartes établit un rapport d’égalité entre les biens qui pourraient être désirés légitimement comme des objets « dus à notre naissance » (santé et liberté). et le
désir d'un
corps incorruptible et ailé.
De même que nous ne désirons pas avoir un
corps incorruptible et des ailes pour voler, de même nous ne désirerons pas la
liberté et la santé.
Si la forme du raisonnement est la même que dans la phrase précédente, son sens se radicalise.
Maintenant, la
volonté doit comparer ces biens (santé et âme) avec une chose contradictoire, un
corps incorruptible et ailé.
Cette nouvelle égalité consiste à penser que la
liberté et la santé ne sont plus seulement des biens indépendants de notre nature comme les royaumes éloignés, mais des objets contradictoires avec notre nature, comme il est contradictoire de penser le
corps incorruptible et ailé.
Une telle contradiction s'impose à l'entendement et la volonté, ne désirant qu'en fonction des possibles que lui présente l'entendement, ne pourra pas désirer ce qui est nécessairement impossible.
Or, l'entendement là encore, ne peut concevoir une égalité entre ces
désirs contradictoires (un
corps incorruptible et ailé) et les
désirs de santé et de
liberté qui ne contredisent en rien l'essence humaine.
La
volonté devra encore intervenir pour établir cette égalité en considérant ces
désirs de
liberté et de santé comme des
désirs nécessairement impossibles parce que contradictoires avec notre état de servitude ou de maladie.
Or, cette égalité suppose en l'homme une
liberté infinie par laquelle la
volonté jugera le simplement possible que lui présente l'entendement comme absolument impossible et le simplement contingent comme absolument nécessaire.
CONCLUSION
Cette
morale technicienne qui engage l’homme « à faire de nécessité vertu » est donc fondée sur une
liberté absolue de la
volonté dont la vertu consiste précisément dans la radicalisation de ses décisions par lesquelles elle nie le possible, le probable, le certain, le désirable avec la même force qu’elle nie l’impossible et le contradictoire.
Cette négation hyperbolique est la condition est la condition nécessaire et suffisant pour se « rendre content », de même que la vérité, dans les Méditations métaphysiques, n’apparaissent comme certitude qu’après la négation du doute radical de la volonté.
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