la diversité culturelle peut-elle être conciliée avec l'unité du genre humain?
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Un début de problématisation ...
• SUJET / la diversité culturelle peut-elle être conciliée avec l’unité du genre
humain ?
•
• PROBLEME : Cette question reprend celle du texte proposé par Montaigne « A-t-on le
droit de qualifier de sauvages ou de barbares les indigènes du Nouveau Monde ? » et encore aujourd’hui cette question est-elle d’actualité ?
Voir explication de ce texte pour
culture générale et traitement du
sujet plus loin.
MONTAIGNE
(1533 - 1592)
« Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la
vérité et de la
raison que l'exemple et idée des
opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a ?roduits : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture. Ce n'est pas
raison que l'art gagne le point d'honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tant rechargé la
beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l'avons du tout étouffée. »
Essais I, édition établie par P. Michel, Éditions Gallimard.
La question
« A-t-on le
droit de qualifier de sauvages ou de barbares les indi¬gènes du Nouveau Monde ? ». Cette question peut évidemment trouver une portée plus générale, et amener à se poser le problème de la norma¬lité. Il faut tout d'abord prendre
conscience de l'événement que constitue, pour l'histoire des mentalités, la découverte de terres lointaines et habitées. La civilisation européenne découvre qu'il existe des. êtres
humains dont le mode de
vie et les valeurs sont totalement différents, et qui paraissent même étrangers à toute idée de « civilisation », au point que c'est le qualificatif de « sauvages » qui est souvent choisi pour les désigner. Sont-ils des
hommes à part entière, ce qui remettrait en question le caractère de normalité de la civilisation européenne, ou bien ont-ils à accéder à la véritable
humanité en sortant de leur « barbarie », ce qui justifie la colonisation ? Dans ce débat, Montaigne prend position en critiquant l'idée même de barbarie, qui en
réalité ne révèle guère que l'incompréhension, nous dirions aujourd'hui l'ethnocentrisme, de celui qui l'utilise.
Pour comprendre le texte
« Il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté ». Tel est le jugement que porte Montaigne sur les indigènes des Antilles on de l'Amérique. Ce verdict s'appuie en
apparence sur les récits des voyageurs ou des colons, mais il se fonde surtout sur l'insuffisance du concept de barbarie. On sait que le mot désigne au départ ceux qui ignorent la
langue grecque, étymologie qui
fait appa¬raître l'illusion qui s'y trouve : « barbare » est une onomatopée, qui manifeste en
réalité que nous prenons pour des ris les
langues que nous ne comprenons pas.
Ainsi « chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ». Ceci définit l'ethnocentrisme,
illusion qui consiste à croire que les habitudes culturelles de son ethnie devraient être universelles. Dénoncer cette illusion, c'est faire apparaître tout ce_ qu'il y a de relatif dans les coutumes ou les normes d'une société. C'est pourquoi une telle prise de
conscience paraît une illustration, voire une preuve, de la valeur de
vérité du scepticisme. Que savons-nous de la
vérité ? Comment pouvons-nous dire quelle façon de vivre est la plus fondée en
raison ?
« Nous n'avons autre mire de la
vérité et de la
raison que l'exemple et idée des
opinions et usances du pays où nous sommes ». Une telle phrase permet de comprendre l'acuité du problème. Ce que nous savons, nous l'avons appris, et même l'art de raisonner et d'utiliser ses
connaissances relève d'un apprentissage culturel. Tant que la civilisation européenne s'est crue seule, on a pu penser que cet apprentissage n'était que le moyen naturel de découvrir ce qui est
vrai en soi, ou de s'habituer à adopter les bons comportements. Mais puisqu'il y a d'autres cultures, en des normes stables et définitives. Désormais, ce que l'homme doit être, ce sera à l'homme d'en décider.
Pour développer cette idée, on peut s'appuyer sur le
fait que la
pensée de Montaigne trahit une certaine hésitation voire une inconséquence. D'un côté, il ne saurait exister de norme absolue, et toute dénonciation des coutumes étrangères comme barbares est au moins naïve, pour ne pas dire plus. Cette idée, fondatrice de l'idée de tolérance n'était pas encore devenue une banalité à l'époque où Montaigne l'écrivit, loin de là . Mais, d'un autre côté, il existe une norme qui permet de comparer les différentes pratiques sociales entre elles, et qui est la nature. C'est qu'il ne saurait être question pour Montaigne de considérer, sous prétexte de tolérance, que tout se vaut et qu'on n'a pas à exercer son jugement critique.
Est-ce à dire que toutes nos institutions et toutes nos habitudes doivent être jugées d'après leur caractère plus ou moins artificiel ? Ce serait être infidèle à la
pensée de Montaigne que 'y voir un appel à retourner à la nature. Nous sommes d'ailleurs beaucoup trop tributaires de notre éducation pour qu'un tel choix, s'il avait un sens, puisse être naturel. Car, en réalité, l'idée d'une nature qui s'opposerait à la
culture est un trait spécifique des
sociétés modernes. Et c'est encore une marque d'ethnocentrisme que de croire qu'il existe ou qu'il a existé des
sociétés naturelles.
Sommes-nous alors condamnés au relativisme culturel, si le seul critère qui paraît échapper aux préjugés, l'accord avec la nature, est lui-même un préjugé culturel ? Il faudrait cependant remarquer qu'une _éducation n'est pas un conditionnement. Ce que l'on appelle au sens dit noble du terme « la
culture » n'est pas un ensemble de limites qui viennent progressivement restreindre une personnalité en lui imposant des marques indélébiles, mais bien au contraire ce qui ouvre l'intelligence, y compris à la compréhension des autres cultures. Ce à quoi les
sociétés modernes sont « condamnées », c'est bien plutôt à la diversité, traduction de la richesse des possibilités humaines. Certes, il faudrait approfondir cette question, en remarquant qu'il existe aussi des tendances à l'uniformisation, ce qui risquerait de nous entraîner trop loin. Retenons du texte de Montaigne, en dehors de sa leçon de tolérance, qu'une certaine prise de conscience, d'inspiration sceptique, du caractère relatif des normes sociales, est nécessaire à la prise de recul qui permet le regard critique. En revanche, il n'est pas du tout certain que cette critique ait besoin de poser ses critères a priori pour
pouvoir s'exprimer ; car si la diversité des possibilités humaines interdit que l'on fixe une fois pour toutes ce qui serait la bonne façon de vivre en société, elle n'exclut pas le refus de l'inacceptable. Ce qui fonde la diversité, ce n'est pas que l'on puisse tout dire ou tout faire, c'est le caractère inépuisable de nos aspirations au
vrai et au bien.
AUTREMENT DIT N EST_CE PAS SE CONDUIRE EN BARBARE QUE DE CONSIDERER UNE CIVILISATION COMME SUPERIEURE A UNE AUTRE ?
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• SUJET / la diversité culturelle peut-elle être conciliée avec l’unité du genre
humain ?
APPROCHE DU SUJET
Préalables
Il faut faire attention au mot « civilisation -; il est équivoque. La civilisation, au singulier, désigne l'ensemble des acquis et des institutions des
sociétés humaines, par opposition à la nature. La civilisation a presque alors le même sens que le mot culture, au singulier lui aussi. Au pluriel, ou bien pré¬cédé d'un article indéfini (une civilisation), le mot prend un tout autre sens. Les civilisations désignent des ensembles culturels délimités par une aire géographique et une période historique données, et possédant des traits dis¬tinctifs communs ou ressemblants (religieux, politiques, artistiques) : on parle en ce sens des civilisations indienne, égyptienne, grecque. Les civilisations désignent des ensembles plus vastes que ce que l'on réunit sous le nom de cultures, au pluriel, cette fois.
Le problème vient de ce que ces deux sens se contaminent mutuellement. De la sorte, les civilisations se trouvent comparées sur l'échelle de la civilisation : il y en aurait des développées, pour utiliser une métaphore biologique ou évolutionniste rentrée dans l'usage, et d'autres moins évo¬luées. Ainsi ramenées sur un axe historique unique, on les compare, et H ne reste qu'à juger inférieures les moins « évoluées»; le tour est joué.
Pourquoi la question se pose
On est moins prompt à faire l'effort de connaître qu'à juger. Rien n'est peut-être plus difficile à accepter que ce
fait : l'humanité a suivi des chemins divers, et non une route unique. L'humanité s'est réalisée dans la diversité, sous la forme de civilisations étrangères, voire étranges les unes aux autres. Pour autant, peut-on établir entre elles un jugement de valeur, une hiérarchie? Peut-on concilier diversité culturelle et unité du genre
humain ?
Nota bene
Nous donnons ici deux définitions qui peuvent être utiles pour faire le
devoir :
• acculturation : processus par lequel un groupe
humain assimile tout ou partie des valeurs culturelles d'un autre groupe
humain (désigne aussi l'adaptation d'un individu à une
culture étrangère).
déculturation : dégradation ou destruction de l'identité culturelle d'un groupe par un autre (terme toujours utilisé dans un sens négatif).
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Citations sur la diversité culturelle peut-elle être conciliée avec l'unité du genre humain? :
La liberté est l'expression francaise de l'unité de l'être humain, de la conscience générique et du rapport social et humain de l'homme avec l'homme. -
Karl MARX
La conscience... est toujours l'acte par lequel une multiplicité et une diversité d'états sont rattachés à un moi et à un seul... ce qui varie, c'est la clarté de la perception, ce n'est pas l'unité du moi. -
Boutroux
Je ne dispute donc pas que la médecine ne soit utile à quelques hommes, mais je dis qu'elle est funeste au genre humain. -
Rousseau
Au triste spectacle, non pas tant du mal que les causes naturelles infligent au genre humain, que de celui plutôt que les hommes se font eux mêmes mutuellement, l'esprit se trouve pourtant rasséréné par la perspective d'un avenir qui pourrait être meilleur, et à vrai dire avec une bienveillance désintéressée, puisqu'il y a beau temps que nous serons au tombeau, et que nous ne récolterons pas les fruits que pour une part nous aurons nous mêmes semés. -
Kant
Le genre humain ne vit que par la force de quelques uns. -
Anonyme