le don est-il un échange déguisé ?
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Un début de problématisation ...
L'acte le plus généreux, le don du fils, devient lui-même pernicieux en ce qu'il engendre un calcul, une arithmétique de l'échange. En effet, Saint Paul dit dans L'Epître aux romains que Adam et le Christ sont le même. Adam a péché une fois et une multitude de péchés s'en sont suivis. Le Christ
fait le bien une fois incommensurablement négligeable par rapport à la somme des péchés et la multiplicité infinie des péchés est remise. « Il n'en va pas du don comme de la faute », dit Paul : « si, par la faute d'un seul, la multitude est morte, combien plus la grâce de dieu et le don conféré par la grâce d'un seul homme, Jésus-Christ, se sont-ils répandus à profusion sur la multitude ». Mais il faut, pour atteindre la Rédemption, c'est-à -dire pour que nos péchés soient rachetés, payer sa dette envers Dieu et mourir au monde, mourir dans le Christ pour renaître en Dieu. Il faut être, à l'instar du Christ, dans le sacrifice de la
vie de ce monde, pour mériter le rachat : nous sommes morts avec le Christ et « notre vieil
homme a été crucifié avec lui », dès lors, « nous ne donnons qu'un seul
corps dans le Christ » à condition toutefois de renoncer au monde pour être reçu dans le sein de Dieu. La générosité se
fait ici-même monstrueuse. Le don engendre une dette qui ne peut être annulée que dans l'abnégation de celui qui reçoit. Jamais l'homme ne pourra s'affranchir de sa dette, car jamais don ne pourra être
fait en retour qui soit aussi grand que la mort du fils de Dieu. La Rédemption ne se peut obtenir qu'au prix de l'oubli de soi, qui est une mort. La générosité, dans la férocité de l'absoluité du don, devient une demande de mort. Le sacrifice, ce don de
vie fait à la multiplicité par la voie d'un seul, requiert en retour une mort de tout un chacun. Signifiant en son essence première un lien de convivialité entre des personnes, elle en vient à signifier la désagrégation du lien dans un mutuel engagement pour la mort. Et c'est précisément là ce que montrent les écrits de Sade, où son
homme Tout-Puissant, le Libertin, est présenté comme une âme généreuse. Comme l'a montré Blanchot, dans son livre intitulé Lautréamont et Sade, le puissant cherche à se mettre à la place de Dieu : en annihilant la
volonté des
hommes autour de lui, il y parvient. Il est désormais le Dieu-providence qui distribue la destruction et la douleur comme une grâce. Le dieu-créateur est transfiguré par le puissant en dieu-destructeur, mais c'est toujours sous la fonne du don généreux et prodigue que ce dieu sadien oeuvre. Il donne gratuitement la mort aux êtres qui n'en ont pas besoin parce qu'ils sont déjà nuls, étant par nature, dit Sade, des êtres sans libre vouloir. C'est donc une oeuvre gratuite, un don purement généreux. En prodiguant la destruction, le sadien cherche à rompre tout lien entre lui et ses victimes. Les
hommes qu'il torture sont faibles et méritent de l'être tant que la bonne foi ne sert qu'à doubler leurs fers. Le puissant s'élève donc au-dessus d'eux sans scrupule. Il devient l'Unique, seul et inaccessible au-dessus de l'humanité : s'ils ont abdiqué leur
volonté devant dieu, le sadien ne
fait qu'entériner cet état de fait. Bien plus, les victimes lui sont reconnaissantes, dit le sadien, parce que la douleur donnée les
fait vivre alors qu'ils sont morts, égaux en nullité de puissance... Mais même dans cette
philosophie de l'absolue perversion de la générosité, celui qui donne a besoin de la reconnaissance de ses victimes. Reclus dans son insensibilité stoïque, le puissant n'est pas indifférent au regard que porte sur lui la victime : il lui faut ce regard et une solidarité réciproque s'instaure. Le bourreau a besoin de la victime : « je dois te maintenir
vivant pour jouir de ta souffrance » dit-il. Ainsi s'explique la tentative de multiplier à l'infini le nombre de victimes, puisque plus il en sacrifie, moins celles-ci ont d'existence effective. Cherchant à désagréger tout lien entre les hommes, il lui faut aussi couper celui-là qui est un asservissement du puissant au regard de la victime.
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Citations sur le don est-il un échange déguisé ? :
L'Homme, c'est un animal déguisé en quelque chose de laid et stupide. -
Inconnu
Admirer, c'est aimer sans espoir de retour.... Ce n'est pas un échange... -
Sacha Guitry
L'amour, tel qu'il existe dans la société, n'est que l'échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes. -
Nicolas de Chamfort
Ce que les hommes ont nommé amitié n'est qu'une société, qu'un ménagement réciproque d'intérêts, et qu'un échange de bons offices ; ce n'est enfin qu'un commerce ou l'amour propre se propose toujours quelque chose à  gagner. -
Francois de La Rochefoucauld
Ainsi nous le voyons, bien peu de choses sont nécessaires à la nature corporelle et tout ce qui ôte la douleur peut aussi nous donner maintes délices en échange. -
Lucrèce