A-t-on le droit de s'opposer a la justice
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Un début de problématisation ...
A-t-on le
droit de s’opposer à la
justice ?
Est-ce en écoutant ce que dit le
droit que nous connaissons et faisons ce qui est juste ? Pour savoir ce qui est juste, suffit-il de consulter la loi ?
On envisagera le problème aux trois plans d'analyse que nous avons distingués dans la première partie : celui de l'établissement du droit, de son contenu, de son application.
[1. Le problème de l'établissement du droit. ]
[a) Le fondement théorique du
droit : le contrat social.]
Comment le contrat social est-il possible? La conversion des rapports de force en rapports de
droit vient, on l'a vu, de l'incapacité des premiers à mener à une situation durablement avantageuse. L'unani¬mité du contrat social ne tient-elle pas cependant du miracle? Certes, on ne doit pas faire du contrat social un événement historique réel, mais le problème de l'unanimité ne se pose pas moins. Nous naissons dans une
société déjà codifiée dont nous pouvons admettre librement les lois, accomplissant pour notre part l'acte impliqué par le contrat social. Mais quelle possibilité reste-t-il à celui qui les rejette? Partir dans une autre société? Le problème sera identique. Celui qui refuse d'adhérer de la sorte au contrat social demeure, vis-à -vis de la société, dans les rapports de force qui précèdent l'apparition du droit. S'il s'attaque à la société, elle ripostera, non pour le forcer à être libre, mais pour réduire à l'impuissance un ennemi. Voilà un premier rapport de force sur lequel est bâti le droit.
Il est rare de refuser complètement l'existence de lois, mais il arrive qu'on conteste certaines d'entre elles. C'est le cas des terroristes qui, pour cette raison, une fois arrêtés, revendiquent le statut de prisonniers politiques. La
société ne peut tolérer que des individus mettent en cause ses lois, car ce serait, à proprement parler, la fin du droit. La force est donc encore requise.
Ces deux situations montrent que le
droit s'impose par la force sans se dénaturer. Les individus qui refusent la
société n'ont, en effet, vis-à -vis d'elle, pas d'autres
droits que ceux qui appartiennent à tout
homme du
fait de sa nature (droit naturel,
droits de l'homme).
lb) L'avènement historique du droit.]
Comment passe-t-on, historiquement, de l'absence du
droit à son existence? Le problème ne se pose jamais tout Ã
fait en ces termes. Dans toute société, il y a une forme de droit, ne serait-ce que coutumier. La question est donc de penser la possibilité d'un progrès historique du droit. Par exemple, 1789 marque une étape décisive dans l'avènement du
droit puisque celui-ci est proclamé dans toute son universalité (abolition des privilèges).
Le consensus passe-t-il par la révolte
Les cyniques grecs ont incarné la critique la plus virulente de la société. Ceux qui affirment aujourd'hui « avoir la haine » sont-ils leurs héritiers ? Réjouissons-nous, le xxe siècle va bientôt s'effondrer, mais dans un bruit qui, de toute façon, fera moins vacarme que la boucherie des tranchées et l'holocauste au zyklon B, les pendaisons coloniales et les exploitations capitalistes, l'apocalypse au quotidien des damnés du système ou la paupérisation planétaire généralisée. Le siècle sent la poudre, la mort et le cadavre, il empuantit le charnier sur lequel triomphent quelques-uns, les seigneurs de guerre qui ont mis ces cent années à feu et à sang. Cyniques, disent certains, pour qualifier ces acteurs du pire en utilisant le mot même qui sert à qualifier Diogène, leur contrepoison à tous. Comment faut-il comprendre ce glissement de sens qui détourne le cynisme de son hypermoralisme d'origine pour en faire le mot qualifiant le comportement de qui est sans foi ni loi ?
Suivant qu'ils seront entendus dans un sens ou dans l'autre du terme, les cyniques seront les moralistes ou les immoralistes du siècle. Les premiers, disciples de Diogène, d'Antisthène et de quelques autres Grecs du
vie siècle avant Jésus-Christ, ne placent rien au-dessus des valeurs, telles qu'ils les définissent et les défendent, ils aspirent à une surmorale avec des vertus sublimes qui magnifient le style, la tension et l'énergie ; les seconds croient au seul bien-fondé de toute action qui peur permet de triompher dans leur entreprise.
Les uns traînent des harengs au bout d'une ficelle dans les rues d'Athènes, se masturbent sur la place publique, giflent les puissants, apostrophent les maitres, cheminent déguenillés, sortent en reculant des théà tres et prennent le chien pour modèle, car il mord ceux qui le méritent. Leur objectif ? Démystifier, pulvériser les idéaux grégaires, les
pensées collectives générant les civilisations nourries de la substance des individus, critiquer la fausse pudeur, l'obsession de la réputation, la soumission à l'autorité, les actions et
pensées intéressées ; les autres aspirent à la domination, à l'empire, à la sujétion de la plupart qu'ils veulent soumettre à leurs mots d'ordre. Les émules de Diogène, seuls moralistes, sauvent le siècle quand les cyniques vulgaires le perdent en l'ayant
fait tel qu'il est, sale et laid, repoussant et vil. De sorte que le cynisme philosophique vaut comme remède au cynisme vul¬gaire, le premier seul autorisant qu'on parle de morale.
Où sont donc les cyniques vulgaires, ces immoralistes de toujours ? Partout, ou presque. Dès qu'une parcelle de
pouvoir est à habiter, hanter, occuper. Presse écrite ou parlée, édition, journalisme, Université, mais aussi caserne et banque, Bourse et conseils d'administration, confédérations patronales et fédérations syndicales, ministères et cabinets, ambassades et agences diverses, commissions gouvernementales, comités multiples et autres occasions de quintessencier le
pouvoir avant de l'exercer contre le plus grand nombre.
De même, les cyniques vulgaires excellent dans l'art de renier leurs engagements passés. Remarque-t-on qu'ils ont dit une fois une chose et exactement le contraire plus tard ? C'est qu'on a
mal compris, on leur
fait un procès d'intention, on pratique la chasse aux sorcières, on pense en procureur d'un tribunal révolutionnaire, en pourvoyeur de guillotine. Et ceux-là de penser qu'on peut célébrer Mao hier avant de promouvoir aujourd'hui les vertus du libéralisme ; enseigner la rupture avec le capitalisme un jour et annoncer le lendemain qu'il faut faire patte de velours avec lui ; pendre le dernier bourgeois avec la tripe du dernier curé jadis et maintenant pen¬ser en bourgeois ou en curé, sinon les deux. Les exemples sont légion, ad nauseum.
Fous de
pouvoir et flanqués d'une mémoire courte, cette en¬geance brille également dans l'art des masques. Le cynique vulgaire pratique le travestissement, se cache, se dissimule, se prétend autre qu'il n'est. Une fois, il se dit nihiliste et entretient avec efficacité un fonds de commerce qui lui permet d'annoncer, du zinc germanopratin où il se
fait voir, l'inconvénient d'être né, la
passion de la désillusion, les étourdissements existentiels devant le néant ; une autre fois, en philosophe pour dames, le faux cynique enseigne l'art du désespoir - désespoir crédite la trouvaille -, la nécessité de se défaire du moi, du je, la
passion pour l'Orient coutumier de la dilution de la subjectivité, le tout puissamment édité, diffusé, signé, paraphé dans un registre qui exacerbe le pauvre moi haïssable, l'effrayant je détestable - qui ne rougit pas, au demeurant, de la Légion d'honneur dont on l'a décoré depuis peu.
En fait, le faux cynique le plus détestable n'est pas le poseur mondain, ni le tiraillé existentiel, le philosophe de café ou le néo-bouddhiste, mais le fourbe appointé dans la presse dite subversive, le faux libertaire
vrai recycleur de ses pauvres haines, avec lesquelles il poursuit tout ce qui le dé¬passe en qualité - autant dire tout - et ne
fait que régler des problèmes d'ego minable quand il se pare des plumes du paon satirique, bête ou méchant. Loin de Diogène, qui ne salit pas le monde du mépris qui le sature et le déborde pour cause d'impuissance, ce cynique ne rêve que d'une chose : égaler celui sur lequel il concentre ses crachats. Caché der¬rière la statue du maitre antique, dans son ombre,
vivant d'elle, il pratique la critique en appointé du système, tai¬sant tout ce qui ferait véritablement avancer la subversion.
On conviendra que tous ceux-là , cyniques en diable, mais
g sur le terrain vulgaire, illustrent la plus radicale des immoralités. Sans éthique qui les soutienne, sans valeurs qui les stylisent, défaits de toute verticalité morale, ils n'hésitent pas à pratiquer le détournement de terme, la fabrication d'une réputation de couverture, la promotion d'un idéal théorique indexé sur la demande du plus grand nombre, la séparation de l'ceuvre et de la vie, de la
pensée et de l'existence propre, l'ensemble permettant de revendiquer la niche du chien tout en déambulant sans vergogne dans les palais présidentiels. Le
désir de l'un exclut pourtant la pratique de l'autre, sinon la pratique de l'un interdit la revendication de l'autre.
Si les immoralistes triomphent du côté du cynisme vulgaire, où donc se rencontrent les cyniques authentiquement émules de Diogène ? Où nichent les descendants du philosophe au chien ? Où sont les moralistes de ce xxe siècle ? D'abord chez les fils de Nietzsche, ce cynique radical d'hier mort fou à l'ouverture de ce siècle, en 1900. Et il est d'autant plus singulier que ceux qui ne sont pas nietzschéens, et le crient haut et fort, s'illustrent nettement dans un nietzschéisme d'opérette et de caricature, celui en vertu duquel tout serait permis depuis la mort de Dieu. En revanche, ceux qui ont inscrit leur
pensée dans cette descendance ont oeuvré en hypermoralistes, en promoteurs d'une éthique exi¬geante nécessitant une
politique radicale. Où sont-ils ? Qui sont-ils ? Ce sont, pour
les plus récents, Michel Foucault et Gilles Deleuze, qui ont mordu comme des chiens, conchié et compissé les faux-semblants de leur époque, levé la patte sur les honneurs et les pouvoirs, transformé en réverbères les monuments officiels. Eux sont les plus voyants.
Mais il a existé, et existe encore, des descendants de Diogène, moins philosophes à proprement parler que promoteurs de gestes cyniques, inventeurs de comportements : un chanteur qui brûle un billet de banque sur petit écran, un amuseur public qui se présente à la présidentielle, un comique déguisé en Monsieur Cyclopède qui dépouille tous les travers d'une époque - chacun montre par des gestes subversifs ce qu'il y a à penser de son temps. Moralistes comme La Rochefoucauld et Chamfort, ils ont placé plus haut que tout des valeurs cardinales et les ont servies par le cynisme, cet
art de dénuder, de mettre à vif, d'arracher la viande et vouloir l'os nu.
Et puis, sur la même scène où ils philosophent à leur manière, par geste plus que par verbe, avec l'action plus que la rhétorique, on trouve aussi, du côté de la morale, ceux qui, loin du pignon sur rue et de la profession ouverte de cynique patenté, dénoncent le monde comme il va, refusent le
réel dans sa cruauté, sa vio¬lence et sa parenté avec la mort. Modestes, discrets et silencieux, confondus dans la masse, ils installent le philosophe à la lanterne au côté des sans-papiers, des sans-logis, des démunis, des réprouvés, des chômeurs, des pauvres, des étrangers, des sans-grade, de ceux dont on ne parle jamais et à qui toute voix
fait défaut. Ces nouveaux cyniques peuvent être professeur au Collège de France ou mère de famille, cinéaste ou étudiant à l'université, photographe ou simple révolté qu'anime un souci moral doublé d'une
volonté politique d'en finir avec les cyniques vulgaires, ceux qui veulent désespérer, attendre, faire patienter, vendre un demain idéal pour faire avaler l'insupportable aujourd'hui. Leur insoumission, leur rébellion, leur révolte, leur revendication réactualisent la geste de Diogène : au nom d'une
morale exigeante et impérieuse, ils veulent en finir avec une
morale de la soumission et de l'injonction à supporter encore et toujours.
Les vrais moralistes du xxe siècle ne sont donc pas là où on les attend : ils dénoncent, critiquent, refusent. Ils organisent des ventes de chômeurs à l'encan, effectuent des razzias de caviar dans les magasins de luxe ou de nouilles dans les supermarchés populaires, ils s'attachent aux barrières des palais officiels, allument leurs braseros aux carrefours, sinon aux portes des Agences nationales pour l'Emploi. A défaut, ils retournent les voitures et les incendient parce que les cyniques vulgaires, ceux qui dissertent sur la
morale de l'intention et grenouillent dans les ministères, ceux qui vantent l'excellence du bouddhisme tout en affichant leur rosette dans le e Journal officiel ceux qui se pâment dans le projet suicidaire et bronzent à la terrasse des cafés, ceux qui invitent à désespérer tout en touchant les royalties de leur discours conservateur, tous ceux-là ne représentent plus qu'un vieux monde auquel ils veulent porter el feu en y jetant leur lanterne.
PROBLEME :
Comme la plupart des autres
sujets sur la justice, cette question pose le problème du fondement du
droit positif, Ã savoir s'il existe ou non un
droit idéal, ou si tout
droit se ramène au
droit positif, c'est-Ã -dire s'il n'existe pas de
justice en dehors des lois.
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Citations sur A-t-on le droit de s'opposer a la justice :
La justice corrige en fait les violations du droit, tandis que la charité supprime, avec la mauvaise volonté, la possibilité même de la violation... L'approximative charité, qui fait plus que son dû est l'oxygène de la justice. -
Jankélévitch
La justice est le droit du plus faible. -
Joseph Joubert
Ceux qui aiment vraiment la justice n'ont pas droit à  l'amour. -
Albert Camus
La justice est une disposition constante de l'âme à attribuer à chacun ce qui d'après le Droit civil lui revient. -
Benedict (Baruch) Spinoza
Le droit naturel devient ce qui va de soi, ce que telle communauté considère comme obligation et droit si évidents qu'il lui semblerait ridicule de le formuler... Le droit naturel devient ainsi le droit non-écrit, supérieur au droit écrit parce qu'il n'a pas besoin de celui-ci pour être reconnu. Il n'en est pas moins historique... C'est ... lui qui, en évoluant, force le droit écrit à évoluer. (Philosophie politique) -
F. Weil