qu'est-ce qu'une vie heureuse ?
Sujets / La morale / Le bonheur /
Un début de problématisation ...
A. « Qu'est-ce que... ? »
Ce genre de
sujet appelle une définition.
– Partez de la définition du sens commun et approfondissez-la. Faites des comparaisons, des distinctions. Examinez les enjeux.
– Il est indispensable d'utiliser des dictionnaires (voir ci-dessous). Ex. : « Qu'est-ce que la
liberté ? »
D'après le Petit Robert, la liberté, c'est l'absence de contraintes, faire ce que l'on veut.
D'après le Dictionnaire de
philosophie de G. Durozoi et A. Roussel (Nathan), la liberté, c'est, à l'origine, l'état de celui qui n'est pas esclave, qui est donc un
homme libre. Puis, au sens politique, on va parler des libertés, celles qui concernent différents domaines : la
liberté physique, religieuse, de conscience, etc. On peut approfondir encore et voir que la
liberté morale fonde chez Kant l'autonomie de la volonté.
Ainsi, la réflexion est passée du sens commun à une définition proprement philosophique de la liberté.
BONHEUR : bon augure, événement favorable, heureux hasard, chance ; état de complète satisfaction, de plénitude. qui se distingue du plaisir, lequel est toujours incomplet et n'est pas spécifiquement humain.
toujours incomplet et n'est pas spécifiquement humain.
L'espoir, même infime, d'être un jour réellement heureux peut-il seul donner un sens à notre
existence et à nos actes ?
e
bonheur est un thème récurrent et fon¬damental de toute l'histoire de la pensée. Non seulement la félicité terrestre est la visée centrale des philosophies d'Aristote, d'Epicure et de Spinoza, mais la recher¬che du
bonheur inspire aussi le xvint siè¬cle (littéraire et politique) ainsi que tout un côté solaire de la
philosophie contem¬poraine : Albert Camus, John Cowper Powys et Ernst Bloch. Sans vouloir examiner ici toutes ces doctrines, nous pouvons au moins constater leur occultation par la
pensée tragique : Seren Kierkegaard ouvre la modernité par l'angoisse, Mar¬tin Heidegger centre ses analyses n existentiales » sur le souci et l'être-pour-la-mort, et Karl Jaspers (d'une
humanité noble et admirable) ouvre certes l'existence à la communi¬cation mais il la ferme sur la culpabilité. Quant à notre Jean-Paul Sartre, il nous apprend bien notre
liberté originelle, mais, dans ses textes,
il ne.propose ni ne sou¬haite justifier aucune valeur concrète, aucun
contenu pour la responsabilité ; si la générosité inspirait son action personnelle et politique, celle-ci restait sans lien avec ses écrits philosophiques.
On doit se référer, bien sûr, à notre époque exception¬nellement violente, dramatique et misérable : il faut bien connaître et comprendre l'horreur pour la combattre. Mais, en occultant le côté solaire et dynamique de la pensée, les philosophies tragiques se mettent dans l'incapacité de dire pourquoi (et pour quoi) il y a lieu de combattre la violence, l'oppression, l'humiliation, la misère et la maladie. Les poli¬tiques démocratiques elles-mêmes restent ainsi privées de justification fondamentale et de
raison d'être.
C'est ici qu'intervient la réflexion sur le
bonheur et l'ac¬tion pour sa réalisation. Constatons d'abord que tous les humiliés et les offensés cherchent une issue : une libération et une joie de vivre. Chômeurs et immigrés cherchent à s'en sor¬tir, ils disent leurs rêves (travail, logement, indépendance, paix, reconnaissance, convivialité, c la vie, quoi ! i). L'évi¬dence réflexive est là : c'est à la lumière d'un avenir, c'est-à -dire d'un idéal d'existence, que, rétroactivement, le présent se révèle comme manque et en
fait comme injuste, injustifié, à la limite intolérable. line révolte, une revendication, une action peuvent résulter de ce regard. Mieux : c'est seulement de ce regard que peut résulter une action.
L'action est donc forcément éclairée, orientée par des valeurs et des critères (des repères) venant de l'avenir vers nous. Ainsi nous pouvons nous rendre à l'évidence : c'est le
bonheur qui constitue comme l'horizon et l'orient de toute action, et, plus profondément, de toute existence. Et parce qu'il doit
pouvoir être incarné et réalisé, il est le fondement et le principe véritable de toute action. Seul le mouvement vers une félicité réelle peut justifier et fonder, c'est-à -dire donner un sens à l'existence comme telle et par conséquent à la condition humaine.
Deux questions surgissent alors. Pourquoi privilégier cette valeur qu'est le
bonheur (et non pas, par exemple, la liberté, la
justice ou l'amour) ? Et, une fois justifié ce privilège (par réflexion et non par conviction personnelle), peut-on donner un contenu à ce
bonheur et ne pas se contenter de l'invo¬quer ou d'y faire référence ?
• Pour être utile, la réponse doit erre faite en termes contem¬porains. Le
bonheur est la valeur privilégiée parce que, en réalité, il est le but et la signification de toutes les autres va¬leurs, lorsqu'elles sont affirmatives de l'existence. On ne dé¬sire la liberté, la
justice et l'amour que pour accéder avec
autrui à une forme d'existence qui soit accomplie et comporte un contenu et une signification substantiels. Le
bonheur dési¬gne la meilleure des existences, la
vie personnelle la plus ac¬complie et la plus riche, c'est-à -dire l'ensemble des contenus existentiels qui donnent à la
vie plénitude et signification. Nous pouvons appeler préférable cette richesse existentielle ultime, cette valeur supérieure à toutes les valeurs affirmati¬ves parce qu'elle les anime, les englobe et les réalise.
On peut alors poser la seconde question : quel est le contenu du bonheur, c'est-à -dire l'expérience et le
sentiment de soi toujours présents au cœur de toutes les actions lorsqu'elles sont affirmatives ? Pour répondre à cette question du contenu du préférable, nous devons savoir qui est cette individualité, cet être
humain qui recherche toujours le
bonheur et y accède plus souvent qu'on ne le dit.
L'être
humain est sujet. Non pas cogito pur et abstrait, mais chair et conscience, c'est-Ã -dire corps-sujet capable de devenir
sujet au sens plein. Et celui-ci n'est pas pure ratio¬nalité ni pur instinct ou pulsion : il est désir. Non pas inconscient, mais
désir conscient (quoique obscur) capable de devenir
désir réfléchi. C'est pour un tel
sujet que se pose la question du
bonheur : c'est parce que l'homme est à la fois
désir et
conscience de soi (capable de devenir
désir réfléchi ayant la
connaissance de soi) qu'il peut se diriger vers
une jouissance qui soit satisfaisante et qui transcende les conditions actuelles de sa vie. Ainsi, pour schématiser, le
sujet n'est ni un cogito abstrait et rationnel ni un
inconscient pulsionnel et inaccessible ; il est un
désir conscient, capable éventuellement de devenir
désir réfléchi et
sujet intégral.
Nous comprenons alors le privilège du
bonheur et son contenu : l'être
humain recherche le
bonheur parce qu'il est
désir (et
désir conscient) et que, toujours capable de réflexion, il est toujours en mesure de contester son présent par son avenir et de viser en cet avenir la plénitude de son désir.
Mais la
vie spontanée du
désir se déploie le plus souvent comme séries de conflits et de frustrations, ou, si l'on veut, comme souffrance. Il n'y a pas pour autant à renoncer au
désir comme nous le proposent les
religions ascétiques, mais à comprendre que ce désir, étant aussi liberté, doit sortir de ses crises par une démarche exceptionnelle et radicale. Seule une transmutation de notre regard sur les choses nous per¬met d'accéder réellement à notre désir, c'est-à -dire à ce qu'il y a de préférable dans notre
désir : satisfaction et justification, plénitude et sens. En termes simples, disons que le
bonheur est l'accomplissement
réel et authentique du
désir ; non pas l'accès immédiat et chaotique à tous les plaisirs morcelés (avec leurs contradictions et leurs déceptions), mais l'ac¬cès à la satisfaction du plaisir pensé, voulu, partagé et habité par un sens. On peut appeler conversion philosophique cette transmutation du regard : elle renverse en effet l'ordre de priorité entre l'objet et le sujet, celui-ci devenant comme li¬berté l'origine des significations de celui-là . Si la conver¬sion est partagée, la
vie est transformée. On accède alors non pas à de simples jouissances, mais à une jouissance plus fondamentale qui est la jouissance de l'être. Non plus le a
sentiment tragique de la
vie », mais le
sentiment substantiel et joyeux de l'existence.
Le souverain bien
Les conduites humaines tendent toujours à quelque fin, que l'homme tente d'atteindre par son action. Mais la plupart de ces fins sont à leur tour des moyens subordonnés à d'autres fins. L'idée d'un souverain bien, c'est l'idée d'une fin ultime de l'action humaine, qui vaudrait par et pour elle-même, qui serait désirable en elle-même, et dans laquelle viendraient converger toutes les actions humaines sensées. Les philosophies antiques et médiévales se sont opposées sur la nature de ce souverain bien et sur les moyens de l'atteindre. Pour Épicure, c'est le bonheur, identifié au plaisir, qui est le souverain bien auquel tendent toutes les actions humaines. Pour les stoïciens, c'est la vertu qui est ce sou¬verain bien auquel il faut tendre, le
bonheur du sage n'étant qu'une conséquence de sa
vie vertueuse. Les philosophies modernes se caractérisent par le
fait qu'elles mettent en doute la possibilité d'unifier les différents domaines dans lesquels se déploient les acti¬vités humaines en les faisant converger vers un but unique, quel qu'il soit. •
Kant : être digne du bonheur
Kant est, de tous les philosophes, celui qui a développé la critique la plus radicale de l'eudé¬monisme. Certes, tous les
hommes semblent s'accorder à désirer le bonheur. Mais cet accord apparent masque un double désaccord : désaccord sur ce en quoi consiste le bonheur, désac¬cord sur les moyens d'y parvenir. Le
bonheur n'est qu'un idéal de l'imagination, non de la raison. Sous ce mot, chacun imagine des contenus différents. La quête du
bonheur ne peut donc four¬nir à la
volonté aucune loi universelle, tout au plus des conseils. Ce qui peut fournir une loi à notre volonté, et par là à notre action, c'est l'idée de devoir. L'homme agit moralement, c'est-à -dire de façon rationnelle, quand il agit par
devoir et non pas pour être heureux. Il y a pour l'homme un but plus élevé que d'être heureux : c'est de devenir digne d'être heureux.
Emmanuel Kant (1724-1804)« Dans la mesure où les
hommes sont présents sur terre, leur fin ultime est le bonheur. Mais quelle est la fin suprême de leur présence sur terre ? »
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Même la vie la plus heureuse finit avant la mort. -
Proverbe Chinois
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