Etre un sujet, est-ce ĂȘtre autonome ?
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Un début de problématisation ...
PROBLEME : est-ce que je pense toujours ce que je veux ? ou bien dois-je dire quâil a du « ça pense » en moi ? Cf. Nietzsche et Freud.
A savoir :
Friedrich Nietzsche
(1844-1900)
Tout ce qui nous devient senÂŹsible dans la
conscience a dĂ» ĂȘtre d'abord apprĂȘtĂ©, simplifiĂ©, interprĂ©tĂ©. Le vĂ©ritable procĂ©dĂ© de la "perception intĂ©rieure", l'enchaĂźnement des causes entre les pensĂ©es, les sentiments, les dĂ©sirs, entre le
sujet et l'objet, nous est entiĂšrement cachĂ©. » âą
Il est sensible, en effet, que, par une nécessité invincible, l'esprit
humain peut observer directement tous les phĂ©nomĂšnes, exceptĂ© les siens propres. Car, par qui serait faite l'observation ? On conçoit, relativement aux phĂ©nomĂšnes moraux, que l'homme puisse s'observer lui-mĂȘme sous le rapport des
passions qui l'animent, par cette raison, anatomique, que les organes qui en sont le siĂšge sont distincts de ceux destinĂ©s aux fonctions observatrices. Encore mĂȘme que chacun ait eu occasion de faire sur lui de telles remarques, elles ne sauraient Ă©videmment avoir jamais une grande importance scientifique, et le meilleur moyen de connaĂźtre les
passions sera-t-il toujours de les observer en dehors ; car tout Ă©tat de
passion trĂšs prononcĂ©, c'est-Ă -dire prĂ©cisĂ©ment celui qu'il serait le plus essentiel d'examiner, est nĂ©cessairement incompatible avec l'Ă©tat d'observation. Mais, quant Ă observer de la mĂȘme maniĂšre les phĂ©nomĂšnes intellectuels pendant qu'ils s'exĂ©cutent, il y a impossibilitĂ© manifeste. L'individu pensant ne saurait se partager en deux dont l'un raisonnerait, tandis que l'autre regarderait raisonner. L'organe observĂ© et l'organe observateur Ă©tant, dans ce cas, identiques, comment l'observation pourrait-elle avoir lieu ?
Auguste Comte, Cours de
philosophie positive, premiÚre leçon.
En ce texte, Auguste Comte cherche Ă ruiner les psychologies fondĂ©es sur l'introspection, ou observation directe de l'esprit par lui-mĂȘme. Le texte commence par l'Ă©noncĂ© brutal de la thĂšse de Comte : de mĂȘme qu'un oeil ne peut se regarder regardant â Ă moins qu'il ne soit en face d'un miroir â, un
esprit ne peut observer directement ses propres phénomÚnes. L'explication qui s'ensuit apporte quelques précisions qui nuancent cette affirmation. Il convient de distinguer entre :
1) L'observation des phénomÚnes moraux, comme les passions, qui. parce que « les organes qui en sont le siÚge sont distincts de ceux destinés aux fonctions observatrices », peuvent faire l'objet d'observations accomplies par le
sujet qui en est victime. Ainsi puis-je constater l'altération soudaine que provoque dans mes poumons une douleur profonde ou une surprise.
Il importe cependant de préciser que ces observations ne sont possibles que tant que la
passion demeure peu violente. La confusion du célÚbre témoignage de PhÚdre montre leurs limites :
« Je le vis, je rougis, je pùlis à sa vue ;
Un trouble s'Ă©leva dans mon Ăąme Ă©perdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; Je sentis tout mon
corps et transir et brûler » I. PhÚdre, acte sc. 3, vers 269 sqq
On comprend dÚs lors que ces observations « ne sauraient évidemment avoir jamais une grande importance scientifique. »
2) L'observation immédiate des phénomÚnes intellectuels par l'esprit qui les accomplit est impossible. Un mathématicien qui veut s'observer en train de résoudre un problÚme doit suspendre ses recherches' mathématiques ; de sorte qu'il est, en définitive, aussi ridicule qu'un cycliste qui descendrait de sa bicyclette pour se regarder pédaler:
Comment l'esprit peut-il donc accéder à la
conscience de soi ? En contemplant ses oeuvres, en lesquelles sont inscrits les procĂ©dĂ©s, les mĂ©thodes et les lois auxquels il s'est soumis sans en avoir d'abord conscience. Aucune lumiĂšre n'Ă©claire la nuit de notre for intĂ©rieur, c'est pourquoi l'esprit doit sortir de lui-mĂȘme, s'objectiver en des crĂ©ations comme les religions, l'art, les institutions ou les sciences pour accĂ©der, en les Ă©tudiant, Ă la
conscience de soi.
SPINOZA
Pour ma part, je dis que cette chose est libre qui existe et agit par la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature', et contrainte cette chose qui est dĂ©terminĂ©e par une autre Ă exister et Ă agir selon une modalitĂ© prĂ©cise et dĂ©terminĂ©e. Dieu, par exemple, existe librement (quoique nĂ©cessairement) parce qu'il existe par la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature'. De mĂȘme encore, Dieu connaĂźt soi-mĂȘme et toutes choses en toute libertĂ©, parce qu'il dĂ©coule de la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature qu'il comprenne toutes choses. Vous voyez donc que je ne situe pas la
liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité'.
Mais venons-en aux choses crĂ©Ă©es qui, toutes, sont dĂ©terminĂ©es Ă exister et Ă agir selon une maniĂšre prĂ©cise et dĂ©terminĂ©e. Pour le comprendre clairement, prenons un exemple trĂšs simple. Une pierre reçoit d'une cause extĂ©rieure qui la pousse une certaine quantitĂ© de mouvement, par laquelle elle continuera nĂ©cessairement de se mouvoir aprĂšs l'arrĂȘt de l'impulsion externe. Cette permanence de la pierre dans son mouvement est une contrainte, non pas parce qu'elle est nĂ©cessaire, mais parce qu'elle doit ĂȘtre dĂ©finie par l'impulsion des causes externes ; et ce qui est
vrai de la pierre, l'est aussi de tout objet singulier, quelle qu'en soit la complexité et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en effet, est nécessairement déterminé par quelque cause extérieure à exister et à agir selon une loi précise et déterminée.
Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, sache et pense qu'elle
fait tout l'effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurĂ©ment puisqu'elle n'est consciente que de son effort, et qu'elle n'est pas indiffĂ©rente, croira ĂȘtre libre et ne persĂ©vĂ©rer dans son mouvement que par la seule
raison qu'elle le désire. Telle est cette
liberté humaine que tous les
hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les
hommes sont conscients de leurs
dĂ©sirs et ignorants des causes qui les dĂ©terminent'. C'est ainsi qu'un enfant croit dĂ©sirer librement le lait, et un jeune garçon irritĂ© vouloir se venger s'il est irritĂ©, mais fuir s'il est craintif. Un ivrogne croit dire par une dĂ©cision libre ce qu'ensuite il aurait voulu taire. De mĂȘme un dĂ©ment, un bavard, et de nombreux cas de ce genre croient agir par une libre dĂ©cision de leur esprit, et non pas portĂ©s par une impulsion. Et, comme ce prĂ©jugĂ© est innĂ© en tous les hommes', ils ne s'en libĂšrent pas facilement.
« Lettre Ă Schuller » (1667), In Ćuvres complĂštes, Gallimard, Ă©d. de la PlĂ©iade, pp. 1251-1252
Liberté et lois de la nature l'auteur
Baruch Spinoza (né à Amsterdam en 1632, mort en 1677) est issu d'une famille juive traditionaliste. Excommunié en 165G pour avoir manifesté une trop grande indépendance d'esprit, Spinoza vivra en solitaire, fabriquant des lentilles optiques pour survivre. Il ne publie de son
vivant que les Principia Philosophiae Cartesianae et, anonymement, le TraitĂ© thĂ©ologico-politique, en latin. Les autres livres, et en particulier l'Ăthique, son oeuvre maĂźtresse, ont Ă©tĂ© publiĂ©s aprĂšs sa mort. Spinoza aura Ă©tĂ© toute sa
vie critiqué, attaqué, presque persécuté.
Souvent rangĂ© Ă tort parmi les cartĂ©siens, Spinoza dĂ©nonce dans 1' Ăthique « le trĂšs illustre M. Descartes » comme Ă©tant attachĂ© Ă l'illusion de la libertĂ©. Ce n'est d'ailleurs pas seulement Descartes qu'il prend Ă parti mais aussi le sens commun, la thĂ©ologie, la
morale et la
philosophie : autant de formes d'une
pensée à ses yeux déformée.
Philosophe rationaliste, Spinoza rejette le surnaturel : Dieu ne crée pas selon son « bon vouloir », il obéit aux lois nécessaires de la nature. La
libertĂ© est donc soumise Ă la nĂ©cessitĂ©. Par sa mĂ©thode gĂ©omĂ©trique (dont la forme rigoureuse vise prĂ©cisĂ©ment Ă Ă©viter les solutions imaginĂ©es et erronĂ©es), Spinoza s'attache donc dans l'Ăthique Ă montrer comment s'enchaĂźnent inĂ©luctablement les
illusions humaines.
l'intĂ©rĂȘt philosophique du texte
« La
liberté est le produit de l'imagination »
Les
hommes sont victimes de leur imagination. Mais ils n'en sont pas pour autant responsables puisque l'illusion de la
liberté vient de leur nature propre. Comme tous sont conscients de poursuivre des fins, ils aperçoivent l'objet de leurs
désirs et attribuent la cause de leurs actions à leur
volonté libre. Les
hommes ignorent tout autre rapport de causalité : une cause est toujours un moyen, un effet est toujours l'objet d'un
désir ou d'un projet (Les
hommes se croient libres parce qu'ils ont
conscience de leur volition et de leur appĂ©tit et ils ne pensent pas, mĂȘme en rĂȘve, aux causes qui les disposent Ă dĂ©sirer et Ă vouloir, parce qu'ils les ignorent ; appendice au Livre I de l'Ăthique). La
volontĂ© libre croit ĂȘtre soustraite de la nĂ©cessitĂ© universelle. Ainsi, la pierre, mue par une cause extĂ©rieure croit que son
désir est à l'origine du mouvement...
Le préjugé de la
liberté n'est pas isolé. Dans un enchaßnement apparemment cohérent, les
hommes font d'autres déductions : ainsi, l'idée que toute la nature serait à leur disposition, transformée en objet de
désir ; l'idée que cette nature ne pourrait provenir que d'une autre
volontĂ© libre, celle de Dieu. D'oĂč la nĂ©cessitĂ© du culte, dont le but est d'honorer ce Dieu tout-puissant Ă l'image de l'homme.
Si ce préjugé « est inné en tous les
hommes », comme le dit Spinoza, c'est aussi qu'il
fait partie d'une construction générale et que cesser de croire à la
liberté humaine entraßnerait l'effondrement de tout un systÚme de pensée, attaché à l'erreur. Ainsi l'illusion de la
liberté peut conduire indirectement à la superstition, voire au fanatisme.
Une libération n'en est pas moins possible ; il faut pour cela comprendre les lois qui gouvernent notre nature, et atteindre la sagesse qui conduit à la vraie
libertĂ© â celle qui ne s'oppose pas Ă la nĂ©cessitĂ© mais l'accepte, celle qui est la « bĂ©atiÂŹtude » par excellence.
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La société
Citations sur Etre un sujet, est-ce ĂȘtre autonome ? :
Il est donc essentiel au sujet d'apercevoir l'objet comme plus vieux que lui ... le sujet, pour pouvoir ĂȘtre sujet, doit se retrancher de l'ordre des choses. -
Maurice Merleau-Ponty
La reprĂ©sentation, contrairement Ă la signification Ă©tymologique du mot ... ne reprĂ©sente pas, ne reflĂšte pas un objet et un sujet qui seraient sans elle: elle est l'objet et le sujet, elle est la rĂ©alitĂ© mĂȘme. La reprĂ©sentation est l'ĂȘtre et l'ĂȘtre est la reprĂ©sentation. -
Hamlin
La reprĂ©sentation comprĂ©hensive doit aussi ĂȘtre conforme Ă la chose elle-mĂȘme. De plus, elle doit ĂȘtre imaginĂ©e et imprimĂ©e dans le sujet, de maniĂšre Ă ce que toutes les particularitĂ©s des objets puissent ĂȘtre reproduites avec art. -
Sextus
Le rapport du sujet et de l'objet n'est plus ce rapport de connaissance dont parlait l'idĂ©alisme classique et dans lequel l'objet apparaĂźt toujours comme construit par le sujet, mais un rapport d'ĂȘtre selon lequel paradoxalement le sujet est son corps, son monde et sa situation et, en quelque sorte, s'Ă©change. -
Maurice Merleau-Ponty
Exister, c'est ĂȘtre sujet. -
Fernerbach